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Page:Morice - La Littérature de tout à l’heure, 1889.djvu/89

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mortel ensommeillement du XVIIIe siècle le sang avait un furieux besoin de circuler dans les veines modernes. La Révolution et l’Empire au physique, le Romantisme au spirituel furent les ministres de ce grand œuvre. Ce fut une époque toute en gestes, follement éprise de vie, — mais follement, c’est-à-dire au delà de la vie et c’est-à-dire mortellement. Aussi le sens de cette époque est dans une récurrence, sans souci d’avenir, vers le passé par l’histoire.

Ces généralisations avoueraient de l’injustice si nous venions au détail ; il est certain qu’en ceux qui faisaient, avec peu de bruit, le fond même de l’évolution romantique, qui accomplissaient ce que je viens de désigner sa « réelle action », — en Lamartine, Vigny, de Nerval et Sénancour, par exemple, et pour ne pas quitter la France, — l’Art sauvegardait son principe intime qui ne change jamais puisqu’il est la portion d’éternité des hommes, qui n’est pas à la merci des contingences contradictoires puisqu’il est le terme certain ou les relations constatent leurs différences. Mais ces quatre poëtes — et même le premier qui, s’il se plut à jouer dans la vie un rôle, ne le fit guère qu’à la façon d’un prince, pour passer le temps, jouant la comédie — furent des étrangers dans leur siècle, des rêveurs solitaires que les événements ne touchaient pas. Pourrait-on même pas dire — l’œuvre du génie étant à nous comme un