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Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/197

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cette histoire n’est pas encore finie ! comment ? ils sont encore là ! lui, toujours debout ! et elle, toujours à genoux !

— Mais, enfin, quel mouvement rencontrez-vous donc dans la beauté des Arlésiennes ? demanda Dipanon.

— Oh ! c’est bien autre chose ! ça ! dans leurs traits il y a la fin d’une histoire. Sur leurs fronts, Carthage me réapparaît florissante, et lançant ses navires sur toutes les mers… écoutez le serment d’Annibal… les voilà, qui, à l’aide de leurs longs cheveux, tressent des cordes pour les arcs de leurs frères, et de leurs époux… regardez la ville en flammes !…

— Max ! Max ! Je crois que tu as laissé ton cœur à Arles ! lui dit Tine, qui le taquinait de temps à autre.

— Oui… pour un moment… Mais je l’ai rattrapé, et rapporté sur moi. Comprenez-moi bien. Je ne dis pas : j’ai vu là-bas telle ou telle femme d’une beauté rare, non. Elles étaient toutes belles ; il était donc impossible de s’en éprendre pour tout de bon. La seconde distançait la première dans mon admiration ; en ces moments là, je pensais vraiment à Caligula ou à Tibère, — je ne sais plus lequel des deux — qui, au dire des reporters de ce temps là, souhaitait une seule tête au genre humain. Moi aussi, je désirais, qu’à Arles, toutes les femmes…

— Ne possédassent qu’une tête ?

— Oui.

— Pour la couper.

— Non, pour la baiser… sur le front !… sur le front, grand Dieu ! et encore ! non ? ce n’est pas cela… pour la regarder nuit et jour, pour en rêver et pour… être bon !