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Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/28

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Oui ! Oui ! c’était bien lui qui m’avait tiré des mains de ce maudit Grec. N’allez pas penser, au moins, que j’aie jamais été pris par des pirates, ou que j’aie eu maille à partir avec les Dardanelles. Non. Je vous ai déjà dit, qu’après mon mariage, je m’étais rendu à La Haye, avec ma femme. Là, nous visitâmes le Musée du Mauritshuis, et nous achetâmes de la flanelle, rue des Tourbières.

C’est la seule excursion que mon commerce m’ait permise ; il se fait tant d’affaires chez nous ! Ce fut à Amsterdam, qu’à cause de moi, il donna au Grec en question, un coup de poing sur le nez, si bien appliqué, que le sang coula abondamment. Ce diable d’homme se mêlait toujours des choses qui ne le regardaient pas.

C’était en 33 ou 34, je crois, et dans le mois de septembre, car il y avait kermesse à Amsterdam. Mes parents ayant l’intention de faire de moi un pasteur, j’apprenais le latin. Plus tard, je me suis souvent demandé pourquoi il est nécessaire de savoir le latin, pour dire en hollandais : Dieu est bon ? Enfin, je suivais la classe latine du Lycée — à présent on l’appelle : Gymnase, — et il y avait kermesse à Amsterdam. On avait établi un tas de baraques, au marché de l’Ouest, et si vous êtes Amsterdammois, lecteur, si vous êtes de mon âge, vous vous rappellerez qu’un de ces établissements en plein vent se distinguait par les yeux noirs et les longues tresses d’une jeune fille, vêtue à la Grecque. Son père aussi était Grec, ou tout au moins, il avait la mine d’un Grec. Ils vendaient toute sorte de parfumeries. J’avais justement l’âge qu’il fallait pour trouver belle la susdite jeune fille, sans me trouver sur moi le courage de lui parler.