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Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/315

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Mais il lui coûtait beaucoup d’incriminer le Prince-Régent, un vieillard !

Il avait de rudes combats à se livrer à lui-même ; car, d’autre part, il ne pouvait pas céder à cette faiblesse, la population qui lui était confiée étant dans son droit, et méritant aussi sa commisération.

Ses hésitations ne provenaient pas de ses propres intérêts, et des soucis que sa franchise pouvait lui attirer.

Il savait bien que le Gouvernement le voyait à regret accuser le Prince-Régent ; et comme il est mille fois plus facile d’ôter le pain de la bouche d’un fonctionnaire européen que de punir un chef indigène, il avait toutes raisons de croire, que dans de semblables affaires, rien ne devait bien tourner pour lui.

Il est vrai, qu’ayant ou non cette opinion, il n’en aurait pas moins accompli son devoir ; et cela, de préférence même, dans les cas où il eut jugé le danger plus imminent que jamais, pour lui et les siens.

Nous avons déjà dit que les obstacles étaient une attraction pour lui, qu’il avait soif de sacrifices, mais ici, l’attrait d’un sacrifice personnel n’existait pas.

Il se croyait le plus fort ; et dans sa lutte contre l’injustice, cette idée lui enlevait tout le plaisir chevaleresque de son entreprise.

Oui, il avait ce scrupule.

Pensant trouver à la tête du Gouvernement, un Gouverneur-général, son allié forcé, il hésitait.

C’était une originalité de plus dans son caractère.

Cette idée-là l’empêchait de prendre des mesures sévères, que rien au monde n’eût pu lui défendre, parce qu’il lui répugnait d’attaquer l’injustice dans la plénitude de sa force.

Je vous l’ai bien annoncé, en faisant son portrait,