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Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/353

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Un saut imprévu de sa monture lui avait fait perdre l’équilibre, et l’avait jeté à terre.

Le tigre était à deux pas….

Le buffle, emporté par la rapidité de sa course, fit encore quelques bonds, au-delà de l’endroit où son jeune maître attendait la mort.

Mais, rebondissant aussitôt en arrière, il revint sur ses pas, et couvrant l’enfant de son corps, il tendit sa tête armée vers le tigre, qui accourait menaçant.

La bête féroce sauta, et rencontra les cornes du buffle, qui lui percèrent les entrailles.

Elle tomba, éventrée, et morte. Le courageux sauveur de Saïdjah en fut quitte pour une blessure à l’épaule.

Plus tard, lorsque ce buffle fut enlevé, et abattu,… — je vous ai prévenu, lecteur, que mon récit était monotone ; — Saïdjah venait d’accomplir sa douzième année, et Adenda savait tisser. Elle ornementait même ses tissus ; et ses dessins trahissaient l’affliction de son âme, affliction provenant de la tristesse où elle voyait son Saïdjah plongé.

Les parents de Saïdjah aussi n’étaient rien moins que joyeux.

La mère avait bien guéri la blessure de l’animal fidèle, qui venait de lui ramener son fils sain et sauf. Dieu sait si elle avait pleuré en apprenant par les frères d’Adenda que son fils venait d’être enlevé par le tigre !

Tout en soignant la plaie du buffle, tout en la pansant, elle songeait aux ravages qu’aurait causés dans le corps délicat de son enfant, la griffe puissante, qui avait pénétré si profondément dans les rudes chairs de son sauveur !