Aller au contenu

Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/375

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tombe, faute de soins, et faute de lait. Son père, craignant d’être puni, s’il ne payait pas son fermage, quitta le pays. Il emmena Adenda avec ses frères. Mais ayant appris que le père de Saïdjah avait subi la bastonnade, à Buitenzorg, pour avoir quitté Badour sans feuille de route, il n’alla ni à Buitenzorg, ni à Krawang, ni aux environs de Batavia.

Il se rendit à Tjilang-kahan, dans le district de Lebac, qui touche à la mer.

Là, il s’enfonça dans les forêts, s’y cacha, et il y attendit l’arrivée de Pa-Ento, de Pa-Lontah, de Si-Ouniah, de Pa-Ansiou, d’Abdoul-Isma, et de quelques autres encore, qui, comme lui, avaient eu leurs buffles enlevés par le chef du district de Parang-Koudjang. Tous ces malheureux craignaient d’être punis, faute de pouvoir payer leurs fermages.

Dès qu’ils se virent réunis, une nuit, ils s’emparèrent d’une pirogue de pêche, et ils mirent à la voile. Il se dirigèrent vers l’Ouest, tenant la côte à droite, jusqu’au point extrême de Java.

De là, ils mirent le cap sur le Nord, dans la direction de Tanah-itam, que les marins européens appellent l’Ile des Princes.

Ils doublèrent cette île, du côté de l’Est, puis ils se dirigèrent vers le Keizersbaai, la baie de l’Empereur, ne perdant jamais de vue le pic élevé de Lampong.

Tel était l’itinéraire qu’on s’indiquait, tout bas, à Lebac, lorsqu’il était question de buffles enlevés, et de fermages non payés.

Mais Saïdjah ne comprenait rien à tout ce qu’on lui disait ; il ne se rendit même pas compte de la mort de son père. Il sentait de tels bourdonnements dans ses oreilles, que par moments il se figurait entendre battre la charge dans sa tête.