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Page:Multatuli - Max havelaar, traduction Nieuwenhuis, 1876.djvu/58

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et même, quand il vient, il fait mal son ouvrage. Comme honnête homme, je dois à la raison sociale, — Last et Co, depuis la retraite des Meyer, — de faire en sorte que chacun travaille ; une pitié mal entendue ou une sensibilité exagérée ne me permettent pas de jeter l’argent de la maison, par les fenêtres. Je donnerais volontiers à ce Bastien une pièce de cent sous de ma propre poche, plutôt que de continuer à lui payer annuellement les quinze cents francs d’appointements qu’il ne gagne plus. J’ai calculé que cet homme a touché, depuis trente quatre ans, — tant de Last et Co que de Last et Meyer, avant la retraite de ces derniers, — plus de trente deux mille francs. Pour un petit bourgeois, c’est une somme assez rondelette.

Il y en a peu, dans cette classe, qui en possèdent autant. Il n’a donc pas le droit de se plaindre. L’idée de ce calcul m’est venu en lisant l’article de l’Homme-au-châle sur la multiplication. Ce malheureux a une belle écriture, pensai-je ; il a l’air pauvre et n’a pas de montre.. si je lui donnais la place de Bastien !… Oui, mais dans ce cas, je le préviendrai qu’il ait à m’appeler : monsieur. Il le comprendra, lui-même, d’ailleurs. Un employé ne peut pas avoir la prétention d’appeler son patron de son nom de famille. C’est cela. Je le tire d’affaire pour sa vie entière. Il commencera à huit cents, ou à mille francs ; — notre Bastien a travaillé long-temps avant d’arriver à quinze cents francs, — et je fais une bonne action. Décidément, il commencera à six cents francs. Après tout, il n’a jamais été dans le commerce ; ses premières années lui tiendront lieu d’apprentissage. Il ne peut se croire l’égal de ceux qui travaillent depuis long-temps. Je suis sûr qu’il se