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Page:Mummery - Mes escalades dans les Alpes.djvu/123

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LA TEUFELSGRAT

pas jusqu’à ce que notre route s’élargisse en une grande arête neigeuse.

« Der Teufelsgrat ist gemacht » « La Teufelsgrat est faite », cria Burgener, et nous commençons à marcher à grands pas le long de cette neige qui se dresse, en face et sur notre droite, en une crête rapide. En haut de ces pentes, nous pouvons voir les empreintes d’une caravane qui, sous la conduite de Franz Burgener, a fait, les jours précédents, l’ascension par la voie ordinaire. « Une demi-heure encore et ce sera fini et la Teufelsgrat sera à nous », ajoute Alexandre excité par le succès, pendant que nous nous hâtons, sentant que la réussite est en nos mains. Les empreintes deviennent plus visibles et plus fortes, et nous courons jusqu’à ce que nous puissions placer nos pieds dans les traces même. Là, tout bagage inutile est déposé ; pourtant, Burgener voyant que j’ai très froid me revêt de son manteau et de ses gants. Nous nous dépêchons, ne trouvant à cette neige d’autre difficulté que sa mollesse extrême. Une escalade, sur quelques rocs tranchants comme une ardoise, encore un peu de neige, et à 5 h. 30 soir, nous sommes sur le sommet, pour un moment seulement. Burgener, avec un air des plus sérieux, commence à dire tout de suite : « Je n’aimerais pas un orage sur cette arête. » Il n’y avait du reste aucun doute à avoir sur ce sujet, les nuages nous entouraient, et un grondement lointain venait rouler jusqu’à nos oreilles. «Allez, allez, plus vite, Herr Mommerie ! » puis dans une poussée il me bouscula le long de l’arête. « Allez toujours, je retiendrais une vache ici, » furent les mots encourageants que j’entendis pendant que je descendais pêle-mèle avec tout ce qui se trouvait sous mes pas. Bientôt, les pentes de neige sont atteintes et nos sacs sont repris. Nous courons de notre mieux dans l orage aveuglant,