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Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Œuvres posthumes.djvu/154

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Dans le fond des forêts, vierges de pas humains,
Où n’a point pénétré la hache des Romains.
Il est dans ces déserts une roche isolée :
Là veille avec mes sœurs ma mère désolée.
À leur asile obscur nul sentier ne conduit ;
La forêt les abrite, et la terre est leur lit.
Sur le coteau s’élève un cyprès funéraire ;
Mon père est là sanglant qui dort sous la bruyère ;
Ma mère sacrifie à ses restes pieux,
Car elle croit encore à nos antiques dieux.
Des monceaux de granit, des chênes séculaires,
Font un vaste rempart à ces lieux solitaires.
Tout est nuit et silence, et le pâtre égaré
Ne marche qu’en tremblant sous l’ombrage sacré.
Dans ce sombre palais j’ai reçu la naissance.
J’en suis sortie un jour, le cœur plein d’espérance ;
J’ai voulu voir de près ce que j’osais rêver.
J’ai vu ; ma mère attend, je vais la retrouver.
Tel sera mon asile.

Le Roi.

Tel sera mon asile.Est-ce bien ta pensée ?
Tu commets une faute, et te dis offensée.
Tu veux t’ensevelir dans un désert affreux,
Et ta mère, dis-tu, sert encor les faux dieux ?

Frédégonde.

En doutez-vous, seigneur ? croyez-vous qu’il suffise,
Pour tout mettre à genoux, qu’un prince entre à l’église ?