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Page:Musset - Œuvres complètes d’Alfred de Musset. Œuvres posthumes.djvu/155

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Lorsque par politique il s’est humilié,
Le Sicambre orgueilleux pour lui seul a prié.
Oui, nous servons nos dieux, et nous en faisons gloire.
Ma mère a sa faucille et sa tunique noire ;
Et, la nuit, en secret, plus d’une fois sa main
A fait couler le sang sur nos trépieds d’airain.

Le Roi.

Jésus ! que dis-tu là ?

Frédégonde.

Jésus ! que dis-tu là ?Du temps où j’étais reine,
Mes soins veillaient sur elle, acceptés à grand’peine ;
Plus d’un esclave obscur, à vous-même inconnu,
Lui porta mes présents, et n’est point revenu.
Je protégeais de loin cette tête sacrée.
Maintenant, comme moi, pauvre et désespérée,
Veuve, et d’affreux lambeaux couvrant ses cheveux blancs,
Elle va dans les bois, se traînant à pas lents,
Chercher ces fruits amers que l’avare nature
Sur la terre à regret jette à sa créature.
Puis, lorsque vient l’hiver, il faut que les enfants
Aillent sur les chemins implorer les passants ;
Mes sœurs, mes pauvres sœurs, ô comble de misère !
Vont au seuil des châteaux mendier pour leur mère,
Et chanter au hasard, les larmes dans les yeux,
Ces vieux refrains gaulois si chers à nos aïeux !

Le Roi.

Si tel est leur malheur, pourquoi vivre isolée ?