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Page:NRF 19.djvu/189

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SILBERMANN 187

pide et comme endormie. Mais par moments il interve- nait d'un mot qui montrait que son esprit veillait.

M mc Silbermann avait un joli visage aux traits fins, ainsi qu'il m'avait paru au premier abord. Toutefois, son sou- rire était si charmant, si jeune et si répété qu'il communi- quait à la longue un peu de fausseté à sa physionomie. Ses gestes étaient menus et vifs ; mais une sorte de renflement charnu au-dessous de la nuque la privait de grâce dans beaucoup de ses attitudes.

Silbermann n'avait pas vis-à-vis de ses parents la situation d'un fils, ou du moins cette situation était bien éloignée de celle que j'occupais entre les miens. On lui demandait son avis ; il avait le droit d'interroger, de contredire, et ne se privait pas de la discussion. On eût dit d'un jeune roi. D'autre part, M me Silbermann semblait rester étrangère aux occupations de son mari. Tout cela était si extraordinaire par rapport à l'usage établi chez moi, que ces trois êtres me parurent unis moins par les liens de la famille que par ceux d'une association ou, si l'on veut, par les lois d'une même tribu.

Je fus accueilli par eux avec une considération à laquelle je n'étais point du tout accoutumé. M. Silbermann me demanda comment se portait mon père, « le grand magis- trat ». M me Silbermann m'apprit qu'elle avait souvent aperçu ma mère dans des ventes de charité. Ces propos déplurent à leur fils qui les interrompit. Il fut même plus brusque ensuite. Nos projets d'avenir étant en question, il déclara que, pour sa part, il suivrait la carrière des lettres. Tandis que sa mère approuvait ce dessein dont elle était flattée, me sembla-t-il, son père, secouant la tête, dit avec bonhomie :

— Non, non, David, ce n'est pas sérieux.

— Que veux-tu, papa, s'écria Silbermann avec vivacité, je ne pourrai jamais m'occuper des mêmes affaires que toi : cela ne m'intéresse pas.

— Oh ! Les antiquités, dit doucement M. Silbermann,

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