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Page:NRF 19.djvu/205

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SILBERMANN 203

toire mystique. De nouveau j'imaginai qu'il allait mourir. Et je pensai que c'était sans nul doute Dieu qui le frap- perait afin de le punir de ses blasphèmes.

— Il va mourir ici, dis-je en moi-même, au seuil de cette chapelle.

Et, avec une inquiétude infinie, je me demandais si l'élection par la puissance divine de cette église catholique comme lieu de châtiment ne serait pas un signe qui dût me faire abjurer...

La sœur qui nous reçut à l'infirmerie dans une sorte de cuisine ornée d'objets de piété, était une petite vieille dont la figure toute ridée tremblotait. Silbermann me parut gêné pour s'adresser à elle. Aussi, je pris la parole et lui racontai la chute brutale en pleine cour.

— Miséricorde ! dit-elle en joignant les mains. Qu'il se repose un moment. M. le Docteur doit passer bientôt. En attendant je vais lui donner une tisane bien sucrée.

Silbermann ne ressentait plus rien de la commotion. Ses pupilles avaient repris leur vie et leur mobilité. Je croyais les voir sauter sur la cornette blanche de la sœur et sur les statuettes religieuses comme de noirs petits démons.

La sœur passa dans une autre pièce. Au bout d'un ins- tant que nous étions seuls, Silbermann se leva et me força à en faire autant.

— Je me sens tout à fait bien, ce n'est pas la peine de rester. Allons- nous en.

Je fus d'avis d'attendre le retour de la sœur. Il s'y refusa et m'entraîna dehors.

Nous refîmes le chemin en sens inverse. Il parlait avec abondance. Il avait retrouvé toute sa fierté et me demanda avec un air de triomphe si j'avais remarqué la longue figure toute scandalisée de La Béchellière pendant qu'il réci- tait. Puis il se mit à rire en pensant à la sœur qui devait nous chercher partout. Il se retourna vers l'infirmerie et ridant ses traits, il parodia d'une voix chevrotante :

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