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^44 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

d'une scène entière, celle de la Chambre Magique : la longueur du spectacle pouvait jusqu'à un certain point expliquer, sinon excuser cette coupure ; mais l'orchestre et les chœurs surtout produisirent la plus pénible impression : intonation défectueuse, rythme vacillant, sonorité compacte et grossière, tout se tenait si mal qu'à certains instants on pouvait craindre la catastrophe* Il est vrai que M. Defosse, qui conduisait l'orchestre, avait remplacé au pied levé M. Caplet lequel, au dernier moment, s'était récusé et avait refusé de prendre part à 1' « exécution » du saint. Mais ces histoires de coulisse ne nous concernent pas : l'auditeur n'a pas à se préoccuper des dessous du spectacle,

M me --Rubinstein-Saint Sébastien mise à part, la réalisation des personnages fut franchement mauvaise (M me Suzanne Desprès : la Mère ; MM. Desjardin : César; Krauss : le Préfet) : gestes qui prétendaient être nobles et majestueux, mais qui n'étaient que grotesquement compassés, récitation ampoulée, parfaitement conforme d'ailleurs aux plus anciennes, mais aux plus mauvaises traditions de l'Ecole, hurlements déchirants, soi-disant passionnés, mais d'une fausseté à faire grincer des dents. Rien de cette naïveté quelque peu précieuse à laquelle tendait certainement d'Annunzio.

Nos seules joies furent les attitudes admirables de M me Ru- binstein, son corps tendu, tel un arc, ses gestes sobres et harmonieux. Sa voix, lorsqu'elle ne la force pas, est une divine musique aux inflexions quelque peu monotones, mais puissam- ment expressives dans leur chaude pureté.

Je me représente chacun des principaux rôles tenus par des artistes du style de M me Ida Rubinstein et qui auraient trouvé la note juste, aussi éloignée d'un naturalisme déplacé que d'une emphase fatigante. Cela n'aurait pourtant pas suffi à me faire accepter Saint Sébastien.

Jamais œuvre ne voulut plus sciemment, plus exclusivement être belle : tout y est subordonné à un certain idéal purement esthétique. On a la sensation très nette que les auteurs, et par- ticulièrement le poète et le décorateur n'ont pas perdu de vue un seul instant le plaisir esthétique du spectateur : ils n'ont eu d'autre but que de créer une impression de beauté. L'émotion religieuse, mystique est ici la matière de l'œuvre ; la forme est jusqu'à un certain point déterminée par les mystères du Moyen-

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