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HENRI DUVERKOIS 389

cette idée arbitraire ne heurte point de front la réalité et parvienne à s'y insérer moyennant un coup de pouce, mais un coup de pouce aussi léger que possible. Il n'y a pas plus de bon conte sans sujet exceptionnel, sans arbi- traire, donc sans coup de pouce, qu'il n'y a de bon conte sans trait final. Une « tranche de vie », une description de milieu, des souvenirs autobiographiques pourront fournir une longue nouvelle, un poème en prose, un passionnant chapitre de roman, jamais un véritable conte.

Duvernois possède encore l'art de créer l'atmosphère, qui suppose tantôt le sens du pittoresque choisi, tantôt la faculté de s'émouvoir et de communiquer son émotion.

Il a aussi l'art de dialoguer, et non pas à la façon vériste — en ajustant bout à bout des bribes de conversations notées sur le calepin en tramway, sur un banc de square, dans un musée ou dans un bar, — mais à la façon du dra- maturge qui condense dans une phrase le fond d'un carac- tère et campe un héros en trois répliques.

Enfin il a le don du mouvement et du rythme. Mouvement et rythme rapides, — que rien ne doit ralentir et qu'il faut pourtant éviter de trop accélérer — qui impliquent un sens de la mesure et un instinct de la composition d'ordre clas- sique. On peut d'ailleurs se demander si le classicisme du xx e siècle ne trouvera pas d'abord sa forme dans le conte comme celui du xvn e siècle l'a trouvée d'abord au théâtre et celui du xix e dans la poésie lyrique.

C'est avec une aisance presque infaillible, une souplesse d'acrobate et une nonchalance de prodigue qu'Henri Du- vernois met en œuvre, et dans ses mauvais jours gaspille, cet ensemble unique de dons. Son instinct lui a fait retrou- ver et utiliser avec un égal bonheur toutes les structures, toutes les coupes, tous les procédés du conte, des plus anti- ques aux plus récents.

Tantôt il fera appel au quiproquo traditionnel : le détec- tive privé chargé de surveiller une femme et pris par elle pour un « suiveur » amoureux ; une lettre de femme trou-

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