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390 LA NOUVELLE REVUE FRANÇAISE

vée dans un sous-main de café par un célibataire sentimen- tal et qui n'est qu'un brouillon oublié là par un feuilleto- niste. Tantôt il démasquera brusquement la véritable personnalité des personnages : ce brutal n'était qu'un ten- dre ; ce brillant cavalier n'était qu'un pauvre hère sans le sou ; ce riche négociant est au bord de la faillite ; ce chien battu préfère les coups de son premier maître aux caresses du second, etc.. Tantôt il reprendra le procédé de la monomanie guérie par un moyen imprévu, celui-là même qui devrait la porter à son comble : l'histoire de la femme qui imagine sans raison tragédie sur tragédie, trahison sur trahison et qui ne se calme que le jour où son mari la trompe véritablement, ou l'histoire de cette autre femme dont le mari ne peut exercer aucun métier sans qu'elle y trouve prétexte à le tromper — s'il est libraire à cause des romans qu'elle lit, professeur d'éducation physique à cause de la beauté masculine qu'elle découvre, etc.. — et qui ne cesse d'être romanesque et infidèle que le jour où son mari se décide à devenir tenancier de maison close. Tantôt il aura recours aux plus vieux thèmes, celui de l'oncle berné par le neveu, celui de l'amoureux qui a mangé de l'ail, ou celui du parapluie oublié par la dame chez son amant et qu'on rapporte au mari, mais il les enchâsse dans des mon- tures si ingénieuses qu'ils reprennent l'aspect de la nou- veauté. Tantôt enfin, et c'est peut-être le procédé le plus fréquent chez lui, il combinera la rencontre cocasse de deux thèmes aussi éloignés que possible l'un de l'autre et qu'il rejoint au milieu du récit. Si chaque soir un mendiant reçoit d'une fenêtre de rez-de-chaussée les reliefs du goû- ter de deux amants, un soir le mari informé viendra sur- prendre sa femme, frappera au volet et recevra à la tois un morceau de tarte et une magistrale volée du mendiant aux aguets qui n'admet pas la concurrence. Si un débiteur aux abois décide d'envoyer 9es deux enfants réclamer un sursis à son riche créancier, les deux petits émissaires tomberont dans un bal d'enfants d'où ils rapporteront le sursis sou-

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