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Page:NRF 19.djvu/543

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llons !

Voyant qu’on ne l’empêchait pas de tenir le bras, Volôdia regarda la figure rieuse de Nioûta et lui entoura maladroitement, incommodément, la taille de ses deux bras, en joignant les mains derrière son dos. Il la tenait ainsi ; elle, les mains derrière sa nuque, montrant les fossettes de ses coudes, arrangeait ses cheveux sous le mouchoir de soie ; et elle dit d’une voix calme :

— Il faut, Volôdia, être adroit, aimable, gentil, et on ne peut le devenir que dans la société des femmes. Mais quelle vilaine, quelle méchante figure vous faites !... Il faut parler, rire... Oui, Volôdia, ne soyez pas un croquemitaine. Vous êtes jeune et vous aurez le temps de faire le philosophe. Allons, lâchez-moi. Je m’en vais. Lâchez-moi ! »

Elle se dégagea sans peine et sortit de la tonnelle en fredonnant. Volôdia resta seul. Il lissa ses cheveux, sourit, fit le tour de la tonnelle, puis il s’assit sur le banc et sourit encore une fois. Il avait insupportablement honte. Il s’étonnait même que la honte humaine pût atteindre un tel degré de chaleur et de force. Il souriait, murmurait des mots sans suite et gesticulait.

Il avait honte que l’on se fût comporté avec lui comme avec un gamin ; honte de sa timidité ; honte surtout d’avoir osé prendre par la taille une femme honnête, une femme mariée, bien que son âge, son extérieur, sa position sociale ne lui en donnassent, lui semblait-il, nul droit.

Il se leva brusquement, sortit de la tonnelle, et, sans se retourner, s’en fut au fond du jardin, loin de la maison.

« Ah ! partir au plus tôt d’ici ! pensait-il, en se prenant la tête. Mon Dieu, au plus vite ! »

Le train que Volôdia et maman devaient prendre partait à huit heures quarante. Il y avait près de trois heures jusqu’à ce temps-là, mais Volôdia serait parti sur-le-champ avec plaisir pour la gare, sans attendre sa maman.

Sur les huit heures, il revint vers la maison. Toute son attitude exprimait la détermination : advienne que pourra !