Aller au contenu

Page:NRF 19.djvu/544

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Il résolut d’entrer hardiment, de regarder tout le monde dans les yeux, de parler haut, en dépit de tout.

Il traversa la terrasse, la grande salle, le salon, et s’y arrêta pour respirer. On prenait le thé à côté, dans la salle à manger. Mme Choumikhine, maman et Nioûta parlaient de quelque chose et riaient.

Volôdia prêta l’oreille.

« Je vous assure !… disait Nioûta. Je n’en croyais pas mes yeux ! Quand il commença à me faire une déclaration d’amour, et même, figurez-vous, me prit par la taille, je ne le reconnus plus. Et vous savez, il a une manière !... Quand il a dit qu’il était amoureux de moi, il y avait dans son visage quelque chose de féroce, comme chez un Tcherkesse.

— Pas possible ! s’exclama maman, partant d’un grand éclat de rire. Pas possible. Comme il me rappelle son père !

Volôdia prit la fuite et sortit à l’air libre.

— Comment peuvent-elles parler de cela tout haut ! se demanda-t-il, joignant les mains et regardant le ciel avec terreur. Elles en parlent tout haut, de sang-froid... Maman riait aussi, ... maman !.. Mon Dieu, pourquoi m’as-tu donné une mère pareille ! Pourquoi ?

Mais il fallait coûte que coûte rentrer à la maison. Volôdia fit quelques tours dans l’allée, se calma un peu et entra.

— Pourquoi ne venez-vous pas à temps pour le thé ? lui dit sévèrement Mme Choumikhine.

— Pardon, il est temps..., marmotta-t-il sans lever les yeux, il est temps que je parte... Maman, il est déjà huit heures.

— Pars seul, mon chéri, dit maman indolente. Je reste coucher chez Lili. Adieu, chéri... Donne que je te bénisse...

Elle signa son fils et dit en français, en s’adressant à Nioûta :

— Il ressemble un peu à Lermontov... n’est-ce pas ? »

Ayant pris congé de chacun tant bien que