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Page:NRF 19.djvu/545

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mal, sans regarder personne, Volôdia sortit de la salle à manger. Dix minutes après il marchait sur la route de la gare et en était heureux. Il n’avait plus ni honte ni peur. Il respirait à l’aise, librement.

A une demi-verste de la station, il s’assit sur une pierre et se mit à regarder le soleil plus qu’à moitié disparu derrière le remblai. A la gare, quelques feux étaient déjà allumés. Un feu trouble, vert, approchait, mais on ne voyait pas encore le train. Il plaisait à Volôdia d’être assis et d’écouter le soir tomber peu à peu. La pénombre de la tonnelle, les pas, l’odeur de bain, le rire, la taille de Nioûta, — tout cela se présentait à son esprit avec une étonnante netteté et n’était plus si terrible ni si grave qu’il lui avait semblé....

« Qu’importe !... Elle n’a pas retiré son bras, et elle riait quand je la tenais par la taille. Donc, cela lui plaisait. Si ce lui eût été désagréable, elle se serait fâchée. »

Et maintenant Volôdia était navré de n’avoir pas eu assez de hardiesse, là-bas, sous la tonnelle. Il regretta de partir si bêtement. Il était sûr que si l’occasion se représentait, il serait plus hardi et verrait les choses plus simplement.

Et il n’était pas difficile que l’occasion se représentât ! Chez les Choumikhine, après le souper, on se promène longtemps. Que Volôdia aille se promener avec Nioûta dans le jardin sombre, — voilà l’occasion retrouvée !

« Je vais revenir, pensa-t-il, et partirai demain par le premier train... Je dirai que j’ai manqué le train. »

Et il revint.

Mme Choumikhine, maman, Nioûta, et une des nièces jouaient au vinte [1] sur la terrasse. Quand Volôdia, mentant, leur dit qu’il avait manqué le train, elles redoutèrent qu’il n’arrivât, le lendemain, trop tard pour son examen. Elles lui conseillèrent de se lever tôt. Tout le temps qu’elles jouèrent, il resta assis à l’écart, examinant avidement Nioûta. Dans sa tête, son plan était déjà fait.

  1. Sorte de whist.