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Page:NRF 3.djvu/87

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UNE BELLE VUE 8l

part de quelqu'un qui naguère professait tant d'amitié à notre égard, et qui, en définitive, n'était pas ouvertement brouillé avec nous, l'agissement péchait par la délicatesse. Il n'y avait tout de même pas de quoi se révolutionner. Mais mon père n'était plus maître des mouvements de bile que la moindre contrariété déterminait en lui. Il s'éleva en récriminations violentes contre M. de Chaber- ton, lesquelles finirent par s'étendre à toute l'humanité. En vain, maman navrée lui répétait :

— Calme-toi... Tu te fais du mal...

Dans ces moments-là, il ne songeait pas à sa santé. Une bonne hygiène morale lui eût pourtant cent fois mieux valu que toutes les drogues qu'il absorbait.

M. Servonnet donna sans le vouloir la note comique. Devant le beau résultat qu'il avait obtenu, il menaça son hôte en riant de ne plus jamais lui rien raconter. Menace qu'il était du reste parfaitement incapable de tenir, puisqu'il en eût été la première victime.

Deux ou trois jours après cette malencontreuse nouvelle, mon père, qui venait, lorsqu'il faisait beau, me chercher à la sortie de mes cours, me ramenait au logis. Une voix le héla:

— Landry ! Landry !

Sa stupéfaction ne fut pas mince de reconnaître M. de Chaberton, qui, surgissant d'une boutique de bric à brac, l'arrêtait au passage, avec un cynisme déconcertant :

— Une minute seulement !... Je paie et je m'en vais avec vous... Je viens de faire une de ces trouvailles !... Une console Louis XV !.. Une merveille !.. Je ne vous invite pas à l'admirer ; je sais que ça ne vous passionne pas.,.

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