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Page:Nansen - À travers le Grönland, trad Rabot, 1893.djvu/379

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bonjour. Les indigènes avaient passé toute la nuit à chanter, et avaient attendu la matinée pour se faire entendre des Européens. De ma vie je n’ai eu un réveil aussi poétique ; peu à peu les chants s’éloignèrent, et je me rendormis avec l’illusion d’avoir eu un rêve agréable.

En descendant le matin à la cuisine, je trouvai Balto en grande conversation avec les bonnes. Les Grönlandais célébraient la Noël fort à son goût. Toute la nuit notre camarade avait été debout et s’était promené de maison en maison. Il n’était pas dix heures du
un futur chasseur. (d’après une photographie de m. c. ryberg.)
matin et le bonhomme avait déjà avalé vingt-quatre grandes tasses de thé. Jamais l’ami n’avait été à pareille fête.

Dans l’après-midi, tous les Grönlandais. hommes et femmes, viennent souhaiter aux Européens un heureux Noël ; à ces vœux son répond simplement par le mot ivdlitlo (et moi aussi). Une cérémonie assez ennuyeuse que ce défilé de cent cinquante personnes.

À trois heures de l’après-midi, les notables de la colonie, c’est-à-dire les catéchistes, l’imprimeur, les employés du gouvernement et les harponneurs, furent invités à prendre le café avec leurs femmes chez le directeur de la colonie. Ils vinrent revêtus de leurs plus beaux babils, se présentèrent avec aisance et se rangèrent en ligne le long des murs. Bientôt l’entrain devint général. Un Grönlandais qui avait séjourné en Danemark voulut montrer à ses compatriotes les manières du grand monde et alla offrir son bras à une des beautés de la société, mais celle-ci, ne comprenant pas la politesse, refusa de se laisser ainsi conduire à la salle à manger. Le bonhomme vint alors se plaindre à moi de l’infériorité de ses congénères qui étaient incapables de suivre les usages du monde. Le sire avait