Aller au contenu

Page:Nantel - À la hache, 1932.djvu/20

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
18
À LA HACHE

de un papillon qui volette sur le dos de Pitou. Il semble soucieux.

Je l’interpelle :

— Vous n’avez pas l’air dans votre assiette, le père ?

— J’pense à mon garçon qui s’en vient avec 150 hommes pour commencer la drave. Y a hâte de connaître la fille à Valade. Y veut s’marier. Y a d’l’étoffe, lui aussi. Mon travail de la terre, y s’continuera…

Ce disant, il se baisse, prend une poignée de glaise noire, la presse entre ses doigts osseux, aspire la senteur forte et s’écrie :

— C’est y pas vrai tout de même qu’elle est grasse et belle, not’terre à nous autres !

Je le contemple, ému. Quel geste chez un des plus humbles enfants du Québec et qui vaut cent et un discours patriotiques.

La sonnerie de téléphone me fait sauter. Sans doute le bureau de Saint-Michel qui appelle. En partant je lui demande :

— Monsieur Valade a donc une fille ?

Un large sourire se dessine parmi ses traits bosselés. Et d’une voix douce il répond :

— Oui, ane châtine de 16 ans, forte comme un bûcheux, ben faite comme ane estatue et qui n’aura pas peur de faire des enfants à son pays… C’est moé, Almanzar L’Épicier, qui vous le dis…