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Page:Nantel - À la hache, 1932.djvu/85

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LA CARTE D’IDENTITÉ

mâle heureux illumine son front rude. Puis, clignant de l’œil, et presque bas, il ajoute :

— Y faut ben que j’parte. Quand Philomène est d’même, et ça s’ra la treizième fois, a veut toujours avoir la vache de sa mére. Les femmes, vous savez, c’est tant capricieux, et des suspartitions avec ça. Et pis, y a rien que moé, pour décider la belle-mére à changer d’vache en attendant le compérage. J’vas r’venir. T’nez, j’garde mon limaro… c’est 3,046… Il est ben accroché après mon escapulaire. Bonjour… Grand bien vous fasse…

Peu après, entre Joseph Laurence, arrivant, à pied lui aussi, de Saint-Ignace-du-Lac. Celui-là est bien taillé à la hache. Vieillard de six pieds, ses deux mains couvrent une partie de l’étroit comptoir. Il a des yeux bleu-sombre, où la peur de vivre n’est jamais entrée. Les sourcils sont noirs, pointant, à la base du front, comme des poils de porc-épic. Il mâchonne une chique de la grosseur d’un œuf.

— Bonjour vous !… J’sus Joseph Laurence, carpenquier… Monsieu Ben MacLaren, vot’ grand boss, m’envoye pour équarrir du grand bois afin de bâtir un chaland qui sarvira icitte, l’an qui vient… Vous voulez mon liméro… Le v’là…