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Page:Necker - Opinion, Relativement au Décret de l'Assemblée Nationale, concernant les titres, les noms, et les armoiries.djvu/12

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Les livrées ſont ſucceſſivement devenues auſſi libres que les armoiries ; leur proſcription néanmoins ſeroit entre tous les retranchemens de diſtinctions extérieures, le ſeul qui pourroit être agréable à une portion du peuple, en ſuppoſant encore que la claſſe de Citoyens vouée par choix à l’état de domeſticité, attache quelque intérêt à ce changement ; mais il occaſionnera le déſœuvrement d’un grand nombre d’Ouvriers adonnés à la fabrication des galons & des rubans qui compoſent ces livrées. Les principales manufactures en ce genre ſont à Paris, & les conſommations certaines qu’offroit la Capitale, avoient mis en état d’étendre ces établiſſemens au degré néceſſaire pour entretenir un aſſez grand commerce extérieur.

On croit devoir terminer les obſervations contenues dans ce Mémoire, par une réflexion générale ; c’eſt qu’en pourſuivant dans les plus petits détails, tous les ſignes de diſtinction, on court peut-être le riſque d’égarer le peuple ſur le véritable ſens de ce mot égalité, qui ne peut jamais ſignifier chez une Nation civiliſée & dans une ſociété déjà ſubſiſtante, égalité de rang ou de propriété. La diverſité des travaux & des fonctions, les différences de fortune & d’éducation, l’émulation, l’induſtrie, la gradation des talens & des connoiſſances, toutes ces diſparités productrices du mouvement ſocial, entraînent inévitablement des inégalités extérieures, & le ſeul but du Légiſlateur eft, en imitation de la Nature, de les réunir toutes vers un bonheur égal, quoique différent dans ſes formes & dans ſes développemens.

Tout s’unit, tout s’enchaîne dans la vaſte étendue des