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Page:Necker - Réflexions présentées à la nation française sur le procès intenté à Louis XVI - 1792.pdf/12

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Je continue à parcourir les accusations contre le Roi ; et je remarque les reproches amers qu’on lui fait au sujet des divers Écrits, dont la Liste civile avoit acquitté la dépense. J’ai vu Sa Majesté, pendant mon Ministère, considérer avec mépris toutes les insultes au Pouvoir Exécutif et à sa personne, dont les papiers publics étoient remplis, et ces libelles atroces qui se crioient à haute voix dans les rues de Paris, et jusque sous les fenêtres de son Palais ; mais on conçoit néanmoins comment, après une longue patience, un jour on aura pu lui dire : vous dédaignez trop ce genre d’attaque, vos ennemis et ceux de la Monarchie ont une ardeur soutenue, un zèle qui se reproduit sous toutes les formes ; et pour arriver à leur fin, ils ne rejettent aucun moyen. Il est temps, malgré votre répugnance, de disputer l’opinion, avec les armes dont chacun et sert aujourd’hui sans contradiction, et de rendre ainsi guerre pour guerre. Quelques personnes, aura-t-on ajouté, sont disposées à écrire dans un sens favorable à la Royauté, et se proposent, en même-temps, de discréditer les hommes, dont la haine infatigable vous poursuit sans cesse ; elle exigent seulement, qu’on les indemnise des fraix d’impression. Voilà ce qu’on aura dit au Roi, et il est possible qu’il ait donné un acquiescement tacite à cette proposition ; mais très-sûrement, il n’a jamais lû tous ces petits Écrits ; et s’ils ont été faits d’une manière inconsidérée, il n’en a pas eu connaissance. C’est toujours des grands ouvrages d’histoire, de morale et de politique écrits en françois ou en anglois dont j’ai vu le Roi s’occuper avec goût et avec assiduité ; et si à cette étude favorite, l’on réunit le temps qu’il devoit donner à la lecture de tous les débats de l’Assemblée Nationale et de toutes les nouvelles étrangères, le temps qu’il devoit consacrer à la tenue de ses Conseils et aux travaux particuliers de tous ses Ministres, comment auroit-il eu le loisir de lire cette multitude innombrable de brochures, répandues chaque jour dans Paris ? On veut toujours juger les Rois comme les particuliers, et rien n’est plus injuste, car leur situation ne ressemble à aucune autre. Ce seroit donc, uniquement de l’assentiment du Monarque à l’idée générale d’une discussion polémique, qu’on seroit en droit de lui faire un reproche. Mais oseroit-on présenter cet assentiment comme un chef d’accusation, lorsque tous les Écrits imaginables contre sa personne et contre son autorité, étoient depuis si long-temps ouvertement et publiquement tolérés ?

On vient de faire un grand éclat d’une Lettre, où l’on remarque les grâces d’une négociation destinée obtenir, par un sacrifice d’argent, un Décret favorable à la Liste civile. On ne voit dans cette Lettre, signée par M. de la porte, mais trouvée depuis sa