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Page:Necker - Réflexions présentées à la nation française sur le procès intenté à Louis XVI - 1792.pdf/14

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ployoit l’expression de mon Ambassadeur, et que le nom du Roi n’y étoit pas prononcé. La Reine l’avoir transcrit de sa main, par un sentiment de respect, et pour graver dans sa mémoire les moindres paroles, les moindres ordres d’une mère chérie ; ainsi, c’est en accusant la Reine qu’on nous fait connoître un trait de sa piété filiale. Il falloit, sans doute, une méprise pour amener la publicité d’un seul Écrit favorable à la Reine ou au Roi ; le sort de ces malheureux Princes, est de voir jeter un voile sur toutes les circonstances, sur tous les actes de leur vie, propres à les honorer ou à les faire aimer.

On ne peut achever la lecture de toutes les Lettres, adressées par des Écrivains parasites ou des hommes en délire, les unes au Directeur de la Liste civile, les autres à son Secrétaire, et qui occupent une si grande place dans les Recueils imprimés pour l’instruction de la France[1]. Il en est un destiné, presqu’en entier, à rapporter la correspondance d’un homme, dont le langage amphigourique et les opinions déréglées, avoient lassé de ma connoissance tous les Ministres du Roi et tous leurs premiers Commis. Cependant, le rapport fait à la Convention Nationale, lie continuellement les phrases de ces Lettres aux opinions du Roi et l’on s’exprime de telle manière, qu’il devient nécessaire de feuilleter ou d’avoir présent à l’esprit tous ces Recueils, pour appercevoir que les paroles citées, sont uniquement le langage de quelques Écrivains obscurs, adressant leurs rêveries à tous les hommes publics ; habitude constante

  1. En voici quelques traits.

    « Sitôt que la seconde Brochure sur la Prophétesse Rousselles reparoîtra, je vous prie de me l’envoyer… Je continue d’espérer que la sainte pucelle a déjà éprouvé du désordre dans ses communications ; peut-être son crucifix ne peut plus lui rouler les yeux comme il paroissoit lui faire.

    « Dieu ne fait ici pour nous, ni les yeux doux, ni les beaux bras ; mais celui qui le transforma en ange de lumières, fait toutes sortes de petites singeries, accommodées à nos idées et à nos goûts : voilà une règle dont les juges de sainteté ne devroient pas se départir ; cela raccourciroit un peu la liste de nos places sur les légendes ; car je respecte profondément tout ce qui est sur la liste des litanies.

    « Je reçois deux lettres de connoissances intimes, que j’avois parmi mes confrères les Martinistes… le démon est maître d’eux. À l’égard de B… et son acharnement au magnétisme, je lui ai attiré la maladie ; les Jansénistes affiliés aux convulsionnaires par état, sont dans le même car : hors de l’Église point de salut.

    « Il y a long-temps qu’on fait l’éloge de la sûreté du plancher des vaches ; la connoissance des choses occultes est une mer orageuse, d’où l’on n’apperçoit pas le rivage, etc. etc. »

    Comment peut-on communiquer à la Nation de telles extravagances, et quelle espèce d’avantage imagine-t-on pouvoir tirer d’une pareille confidence ?