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Page:Necker - Réflexions présentées à la nation française sur le procès intenté à Louis XVI - 1792.pdf/16

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propositions qu’on lui auroit adressées ? Un Monarque est le centre d’une infinité d’intérêts divers, et son Cabinet peut devenir avec le temps un rassemblement de toutes sortes de projets ; ainsi lorsqu’on viole inopinément cette espèce de sanctuaire, il suffit de donner de la fixité aux idées passagères, du concert à des projets isolés, de l’union aux pensées éparses ; il suffit enfin du talent le plus commun, pour former des divers papiers dont on s’empare, un sommaire exactement adapté au système de rigueur dont on a fait choix. Que seroit-ce encore, si l’on se permettoit d’extraire uniquement de ces même papiers, les pages ou les feuillets propres à inspirer des soupçons, et si l’on anéantissoit, ou si l’on dissimuloit tous les Écrits dont la connoissance pourroit réveiller des sentimens contraires ? On prendroit ainsi pour modèle, une jurisprudence où les témoins indiqués par l’accusateur seroient admis, tandis qu’on imposeroit silence tous ceux qui voudroient parler en faveur de l’accusé.

Il n’est plus temps, néanmoins, de faire preuve, aux yeux de l’Europe, d’une parfaite impartialité ; car lorsque des papiers n’ont été ni scellés, ni inventoriés en présence de celui à qui ils appartiennent[1] ; et lorsqu’on s’en est rendu maître, au milieu d’une invasion tumultueuse, et après l’irruption d’une foule inconnue, il n’est plus que possible de garantir, que les papiers les plus favorables à la cause du Roi n’ayent été détruits ou dissipés.

Le Roi, dans la solitude où il passoit sa vie, avoit l’habitude de faire des notes ou des observations, soit à-propos de ses lectures, soit à l’occasion des affaires publiques ; on y auroit apperçu, je le sais, la justesse de son esprit, la modération de ses sentimens, la bonté de son ame et son attachement si pur au bonheur et la gloire de la France. Que sont devenus ces papiers, les auroit-il brûlés lui-même par une modeste indifférence, pour garder uniquement ceux dont on nous a donné connoissance ; ou s’ils existoient encore, lorsqu’on a fait une invasion dans son Cabinet, qu’on les donne à dépouiller à quelque main amie ! On y trouveroit peut-être des expressions de sentimens qui seroient en accord avec les paroles de son Discours aux États-Généraux. Tout ce qu’on peut attendre du plus tendre intérêt au bonheur public, tout ce qu’on peut demander à un Souverain, le premier ami ce ses Peuples, vous pouvez l’attendre de moi. On en trouveroit qui seroient en accord aussi avec ces paroles de son Discours du quatre Février et dont j’ai eu long-temps les propres mots ou à-peu-près, écrits de la main même de Sa Majesté.

  1. Je parle ici des papiers saisis dans les appartemens des Thuileries.