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Page:Necker - Réflexions présentées à la nation française sur le procès intenté à Louis XVI - 1792.pdf/17

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« Éclairez sur ses véritables intérêts, le Peuple qu’on égare ; ce bon Peuple qui m’est si cher, et dont on m’assure que je suis aimé, quand on veut me consoler de mes peines. » Ah ! ç’eût été, je le crois, un beau moment pour ce Prince, que celui où, sans le vouloir, sans le chercheur, une éclatante lumière auroit tout-à-coup manifesté aux regards de la Nation, les plus secrètes pensées de sa vie ; ç’eût été un beau moment pour le Roi, que celui où l’on auroit ainsi distingué visiblement sa propre nature, des apparences que sa déférence modeste pour les opinions de ses Ministres lui ont quelquefois données.

Je ne sais si, parmi les hommes publics, hélas encore vivans, il en est aucun qui ait eu plus d’occasions que moi de connoître le Roi ; non-seulement parce que je l’ai servi sept ans, mais aussi parce que l’adminitrationsu dont j’étois chargé, m’obligeoit à faire passer sous ses yeux, une plus grande diversité d’affaires ; et je déclare ici, en présence de ses ennemis et dans toute la vérité de mon cœur, que je n’ai jamais observé, que je n’ai jamais surpris dans ce Monarque, si cruellement traité, un seul mouvement spontané, une seule pensée dérivant de lui et de lui sans aucune influence étrangère, un seul sentiment enfin, sorti immédiatement de son ame, qui ne fussent conformes aux loix de la morale et de l’honneur, et qui ne manisfestassent à des observateurs attentifs son desir du bien, sa compassion pour le Peuple, et son caractère doux naturellement et modéré. Que l’on croie au témoignage d’un homme, qui après avoir vécu long-temps près du Roi, ne tient à lui néanmoins, par la reconnaissance ni par l’espérance. Je ne lui ai jamais offert l’occasion, je ne lui ai jamais laissé le plaisir de m’accorder aucun bienfait, et je suis toujours retiré du monde.

Mais ce que je-dls ici du Roi, n’est-il pas connu d’une manière plus ou moins précise, par tous ceux qui ont eu l’honneur d’avoir des rapports avec lui ? Et vous, qui savez comment la nature a pris soin d’établir un accord entre les mouvemens familiers de l’ame et l’expression des regards, ne vous a-t-il pas suffi d’observer le Roi dans quelque moment d’intérét ou d’affection, pour croire au moins avec certitude à sa parfaite bonté ? Je dis même à ceux qui le poursuivent avec tant de suite, à ceux qui profitent de leur empire sur les esprits, pour endurcir tous les cœurs contre lui, que si la fortune avoit tourné, et qu’ils eussent eu besoin d’indulgence ou de pitié, c’est au Monarque, dont ils ont été les rigoureux oppresseurs, que je leur aurois conseillé de s’adresser.

Ah ! sans doute, lorsque l’Europe entière partage la destinée de ce malheureux Prince, les ames les plus farouches pardon-