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Page:Necker - Réflexions présentées à la nation française sur le procès intenté à Louis XVI - 1792.pdf/26

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nécessaires pour atteindre à une si heureuse fin. Il ne se contenta pas même de s’exprimer à cet égard en termes généraux, il annonça qu’il concerteroit avec les Représentans de la Nation les moyens les plus convenables pour rendre certain leur retour périodique ; et l’un de ces principaux moyens, il l’indiqua lui-même, en déclarant que dorénavant aucun impôt, aucun emprunt, aucune levée de deniers, ne pourroient avoir lieu, sans le consentement des États-Généraux ; en déclarant de même que toutes les dépenses publiques seroient soumises à leur décision, sans excepter de cette règle les dépenses particulières à sa Personne. Enfin, il manifesta, de la manière la plus expresse, son vœu pour la destruction de toutes les autorités arbitraires. C’est ainsi que le Roi s’expliqua dans le temps de sa pleine Puissance, et avant le rassemblement, avant la convocation des États-Généraux. Quel Monarque a jamais fait, de lui-même, de pareils sacrifices de son autorité à l’établissement de la liberté publique ? L’histoire, je le crois, n’en fournit point d’exemple ?

Le voilà pourtant, celui que l’on tient enfermé dans une rigoureuse Prison ; le voilà, celui dont vous demandez vengeance ; le voilà, celui dont les malheurs inouïs ne sont pas encore assez pour vous ; le voilà, celui dont vous dites comme les Juifs : livrez-le et sauvez les Barrabas. Ô mon Dieu, versez dans son cœur quelques consolations et soutenez son courage !

Scylla, le farouche Scylla, après avoir consacré ses fureurs par tous les genres de proscriptions, après avoir porté le deuil et la désolation dans toutes les familles, après avoir choisi, après avoir multiplié ses victimes, finit ses jours en paix au sein de sa Patrie. Les Romains oublièrent ses crimes, au moment où il leur rendit une liberté qu’il avoit usurpée. Quel contraste avec la destinée de LOUIS XVI ! Il fut constamment bon, doux et compatissant ; et loin d’avoir jamais usurpé les droits de la Nation, il a préparé la liberté publique par la seule expression, d’un sentiment généreux, et il languit dans la captivité la plus effrayante. Quel sujet pour l’histoire ! quels traits à ajouter au lugubre tableau des vicissitudes humaines !

Ah ! ce que je voudrois pour ce malheureux Princes, c’est qu’il fut jugé, c’est qu’il fût apprécié d’après les sentimens qui appartiennent à chaque homme en particulier ; d’après les sentimens qu’on éprouve dans la retraite de son propre cœur ; car je sais combien sont redoutables ces opinions collectives, ces opinions commandées par l’esprit du jour, et auxquelles on est forcé de s’associer, avant d’avoir eu le temps d’être persuadé, avant d’avoir eu le temps d’examiner si l’on fait bien d’être sévère, si