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Page:Necker - Réflexions présentées à la nation française sur le procès intenté à Louis XVI - 1792.pdf/27

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l’on fait bien de haïr, lorsque la nature peut-être nous avoit donne des affections douces, et nous avoit ainsi destinés à la compassion et à la bonté.

Je cherche tout ce qui peut ramener ces opinions générales, tout ce qui peut les soumettre à un esprit de justice. Rappellez-vous encore plus particulièrement, vous les Représentans des anciennes Communes du Royaume, et devenus si promptement les ennemis, les juges sévères de votre infortuné Monarque, lorsque la simple reconnoissance vous imposoit le devoir de l’aimer et de le défendre ; rappellez-vous que le Tiers-État sollicitoit avec instance du Gouvernement, d’avoir aux États-Généraux un nombre de Représentans égal au nombre des Députés des deux autres Ordres réunis ; il représentoit avec force que tous les vices de l’organisation fiscale et toutes les inégalités dans la distribution des charges publiques, étant favorables aux intérêts des deux premiers Ordres, les anciens abus seroient conservés, ou ne seroient réformés qu’imparfaitement, si dans toutes les suppositions, soit d’une délibération par chambre, soit d’une délibération en commun, le Tiers-États se trouvoit toujours en moindre nombre que les Députés des Ordres privilégiés ; et qu’à égalité il seroit encore inférieur en crédit, puisque leurs Députés seroient nécessairement composés, en grande partie, d’hommes soumis, par leur état, à l’ascendant des Seigneurs Ecclésiastiques et Laïcs. Les communes invoquoient la protection d’un Père tendre et d’un Monarque bienfaisant ; c’étoit le langage d’alors ; elles rappeloient leur soumission constante à l’autorité Royale, l’intérét qui les lioit a cette autorité protectrice, et elles renouvelloient en meme temps la profession de leur dévouement particulier à la personne du Prince, dont elles célébroient les vertus et les intentions généreuses. Le Roi crut leurs demandes justes et se rendit à leurs instances. Sa décision fut suivie des marques les plus éclatantes de reconnoissance de la part des communes du Royaume et si l’on publioit aujourd’hui les lettres et les délibérations que les diverses Municipalités de l’Empire adressèrent alors au Gouvernement et qui contenoient, toutes l’expression animée de la plus parfaite gratitude envers le Roi, elles formeroient un singulier contraste avec le langage du jour. Sans doute, on a voulu, depuis cette époque, revenir de ces premiers sentimens en présentant la décision du Roi comme une détermination imposée par les circonstances et par la force de l’esprit public ; et c’est ainsi qu’on peut, à son gré, se dégager de tous les genres de reconnoissance ; car en discutant avec raffinement les divers mobiles d’une action bienfaisante, on trouveroit toujours a cette action quelqu’intérêt personnel, ou politique, ou moral,