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Page:Nerciat - Le Diable au corps, 1803.djvu/569

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LE DIABLE AU CORPS.


troussant insolemment, sous le prétexte charitable de vouloir dénater, reçoit, de la furieuse Nicole, un soufflet d’arriere-main si fort, qu’il voit toutes les étoiles du firmament ; la rage, enfin, de la Bacchante martyrisée, qui ne supporte plus un tiraillement perpétuel dont l’impitoyable frocard n’a pas la délicatesse ou le bon sens de lui faire grace en cessant de bouger ; tout cela fournit une seconde scene, non moins originale, non moins réjouissante pour les malins spectateurs. Elle devient enfin tragique pour l’un des personnages muets, puisque, trop confuse, trop irritée pour songer à se délier avec ménagement, la terrible Nicole s’arme de ses grands ciseaux qui pendent par malheur à sa ceinture, et, sans égards pour les accens pathétiques du Révérend, moissonne avec barbarie, non pas dans son propre champ, mais dans celui du pauvre pere. D’un seul coup, que l’Ange gardien d’Hilarion (quoiqu’on l’appelle à grands cris) ne songe point à parer, la plus large, la plus épaisse, la plus considérée des barbes de la Province, est tranchée de biais, avec tant de guignon, que tout le côté gauche du poil conservant à peine deux lignes de longueur, la pointe du menton perd gros comme une lentille de chair-vive, tandis que le bout de l’oreille encore, mâché dans la jointure des branches du fatal instrument, y laisse aussi des traces sanglantes. C’est alors au pusillanime Hilarion de souffrir