Dupeville demeura fort tranquillement chez lui, pendant
que le démon de la luxure faisait chercher à l’autre les
aventures récemment décrites. Quant à la Comtesse,
on ne vint point à bout de lui faire agréer un lit isolé.
Soit que cette endiablée eut reposé pendant quelques
jours, ce qui ne lui était pas fort ordinaire, soit que
l’attrait d’une jouissance, dont elle était privée depuis
près de six mois, eut enflammé son imagination capricieuse
jusqu’au délire, elle voulut absolument demeurer
chez la Marquise et partager son lit. Dieu sait
la vie qu’on y mena. La Marquise fut pendant deux heures
entieres lutinée et forcée de lutiner. Tous les exercices
de la tribaderie la plus sublimée furent repassés, coulés
à fond. Jusques au fameux godemiché fourchu, vendu
jadis par Bricon, et qui parut solemnellement sur la
scene, rien ne fut oublié dans cette chaude reprise de
liesse. Cependant, mis et reçu par la petite de Motte-en-feu,
du moins ce joujou ne fut pas reçu par la Marquise
à cause de sa grossesse : et à cela près tout fut,
de part et d’autre, aussi bien rendu que prêté, et la
clôture de ces féminins ébats fut un aveu réciproque
qu’avec de semblables ressources le beau sexe pouvait fort
bien se passer de celui qui se fait tant valoir, impose
des loix si gênantes, et va souvent moins loin avec ses
moyens de réalité, qu’on ne va, s’en passant, avec les
moyens d’illusion. Ces Dames étaient lasses comme des
couriers de bénéfices quand le sommeil eut enfin pitié
de leur délicatesse. Vers onze heures du matin elles
s’éveillerent moulues et se sentant la nécessité de ne pas
se presser d’être debout. C’était l’occasion de parler
d’affaires, de se confier tout ce qui s’était passé depuis
qu’on ne s’était vu ; combien de passades, de caprices
Page:Nerciat - Le Diable au corps, 1803.djvu/605
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
15
LE DIABLE AU CORPS.