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Page:Neulliès - Tante Gertrude, 1919.djvu/118

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TANTE GERTRUDE

— Oui ! Pour mettre un pied dehors aujourd’hui, il faut être fou ou amoureux, n’est-ce pas ? C’est à cette dernière catégorie qu’appartient le visiteur.

— Amoureux… de moi ? interrogea naïvement Paulette.

— Vertudieu ! ma nièce, tu ne supposes pas que ce soit de ma personne ? Ah ! par exemple, il en aurait entendu, celui-là ! Je lui aurais montré bien vite le chemin de la porte, sinon celui de la fenêtre ! Ma chère, tes beaux yeux ont fait une nouvelle conquête ; Wanel n’est plus le seul imbécile de ma connaissance ! Son successeur est même autrement chic, quoiqu’il n’ait pas de corset comme ton Lanchères ! C’est M. Le Saunier, en deux mots, je te ferai remarquer. La particule me semble bien contestable, mais après tout, ça ne me regarde pas ! Ce riche banquier de Lille, qui fraie avec la première société à cause de sa mère — une baronne, paraît-il — mais surtout à cause de ses millions, te fait l’honneur de demander ta main. Tu le connais ?

— Oui, murmura Paulette, d’un air pensif ; je l’ai rencontré souvent chez sa sœur, la femme du colonel.

— Il est très bien de sa personne : il a au moins un mètre quatre-vingt-dix ! Signe particulier : il ne pose pas pour les petits pieds ! Sapristi ! quels abatis ! il n’était pas entré dans le salon que je les apercevais déjà et que je ne voyais que cela ! C’est un fameux gaillard ! Je serai tranquille de te savoir appuyée au bras d’un homme pareil pour traverser la vie ! Celui-là pourra te protéger et te défendre ! Décidément, tu avais raison d’avoir confiance en ta chance ! Tu es née sous une bonne étoile ! Je me suis chargée de te transmettre, sa demande, et je ne lui ai laissé, naturellement, aucun doute sur le résultat de sa démarche. Pour le reste, vous vous débrouillerez ensemble. Il croit peut-être que je vais te doter ? En ce cas, il se trompe ! Après ma mort — et encore si tu marches droit ! si tu agis à peu près à ma guise ! — tu auras quelque chose ; mais je ne suis pas de celles qui se dépouillent de leur vivant pour des