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Page:Neulliès - Tante Gertrude, 1919.djvu/43

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TANTE GERTRUDE

grâce qui lui était familière, enchantée d’être agréable à sa parente.

Ce matin-là, elle avait été éveillée presque dès l’aube, le cocher de Mlle de Neufmoulins venant la prévenir que sa maîtresse l’attendait immédiatement.

— Ma tante n’est pas malade, au moins ? avait fait demander la jeune femme, d’abord inquiète.

— Je ne le pense pas, avait répondu l’automédon ; mais depuis deux heures, Mademoiselle parcourt la maison du haut en bas, et elle n’a pas l’air d’être contente.

— Dites-lui que dans une heure j’y serai, le temps de m’habiller et de faire atteler.

Mais malgré toute sa bonne volonté, Mme Wanel ne fut guère prête avant midi.

Mlle Gertrude, énervée par l’attente, fit à la jeune femme un accueil moins que gracieux.

— Pour se moquer du monde, ma nièce, c’est ainsi qu’il faut faire ! C’était bien la peine vraiment que je te dépêche Julien à 7 heures du matin pour te prier d’arriver tout de suite !

— Oui, je suis un peu en retard, tante Gertrude, mais ce n’est pas ma faute, je vous assure, répondit Paulette sans s’émouvoir. Heureusement que je vous savais en bonne santé, sans cela j’aurais été très ennuyée de ne pouvoir venir plus tôt. Je me suis pourtant bien pressée ; je n’ai même pas pris le temps de déjeuner, aussi j’ai une faim de loup ! Vous n’avez pas encore dîné n’est-ce pas ? Je vais manger avec vous ; vous me direz pourquoi vous avez besoin de moi si tôt.

— Je suis furieuse, déclara la vieille fille en agitant ses longs bras.

— Oui, ça se voit, interrompit tranquillement Paulette.

Mlle Gertrude regarda sa nièce pour voir si elle se moquait d’elle, mais, rassurée par l’air innocent de la jeune femme, elle continua :

— Mon frère était un imbécile ! Ça n’est pas nouveau, d’ailleurs, et je n’ai pas attendu jusqu’à ce jour pour me faire de lui cette opinion ! Il était volé par ses fermiers, volé par ses domestiques, volé par son intendant…