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Page:Neulliès - Tante Gertrude, 1919.djvu/47

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TANTE GERTRUDE

mais il était si heureux de les tenir dans ses petites menottes que c’eût été cruel de les lui reprendre. La prochaine fois que je reviendrai, je lui apporterai toute une caisse de jouets, ça vaudra mieux.

Mlle Gertrude eut un geste désespéré. À quoi bon essayer de raisonner cette écervelée ! Elle se tourna vers Thérèse ; celle-ci attachait son regard pensif, rempli d’admiration, sur le beau visage radieux de jeunesse et de fraîcheur penché de son côté ; elle écoutait, charmée, la voix vibrante de Paule, disant sa joie le jour où elle serait mère ! elle contemplait Mme Wanel, éblouie par l’éclat de ses prunelles caressantes, fascinée par la tendresse de sa bouche d’enfant… Thérèse se retournant alors s’aperçut de l’air soucieux de sa maîtresse ; les deux femmes se regardèrent et se comprirent :

— Une poupée ! disaient les yeux perçants de Mlle Gertrude.

— Mais si charmante, si bonne, plaidait le regard sérieux de l’orpheline.

La vieille fille, après un nouveau silence, poussa un profond soupir, tandis que sa nièce, inconsciente de cette petite scène muette, reprenait :

— Voyons, ma tante, occupons-nous de ce qui vous touche. Il n’y a qu’un moyen de remédier à cet état de choses : chercher un régisseur intègre…

— Penh ! autant chercher une aiguille dans une botte de foin ! Il faut être naïve, comme toi, ma pauvre fille, pour espérer trouver de l’intégrité chez un intendant !

— Oh ! tante Gertrude, protesta gaiement Paulette en se levant de table, il y a encore de braves gens sur notre planète ! pour le moment voulez-vous me permettre d’emmener Thérèse faire une petite promenade en voiture ? Je vous la ramènerai dans une heure ou deux, proposa la jeune femme de son air câlin.

— Là ! pour ce qu’elle m’est utile ! tu peux bien la garder jusqu’au soir. Elle dînera avec toi, et tantôt Mathieu, qui doit aller à Ailly, la reprendra.