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Page:Neulliès - Tante Gertrude, 1919.djvu/84

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TANTE GERTRUDE

n’avait-elle pas eu à supporter ! Et aujourd’hui cette nouvelle insulte ! Elle avait toujours été bonne pour tous au temps de son opulence, elle avait donné sans compter ; pourquoi maintenant ne recevait-elle que mépris et duretés ? Tout le monde lui tournait le dos, les portes se fermaient devant elle, nulle part on n’avait pitié ! Sa tante elle-même, sa seule parente, ne semblait pas se douter de la situation précaire dans laquelle elle se trouvait, de ces ennuis domestiques dont elle ne savait comment se tirer. Plusieurs fois elle avait tenté de se jeter dans les bras de la vieille fille, de tout lui avouer, sa gêne, son incapacité, son impuissance à sortir de cette impasse… Mais elle avait reculé devant la perspective de l’inévitable avalanche des reproches et des emportements ; elle avait eu peur des blâmes souvent justes mais si acerbes de Mlle Gertrude ! Avec cette mobilité de caractère vraiment enfantine qui faisait le fond de sa nature, elle s’était consolée bien vite, se reprenant à espérer, comptant sur sa bonne étoile, ne pouvant croire que cette misère lui dure, attendant naïvement un prince Charmant qui, épris de sa beauté, déposerait à ses pieds sa fortune et son nom…

Jamais un sentiment d’envie ou d’amertume contre sa tante n’avait effleuré le cœur de Paulette ; elle était incapable de toute pensée basse ; rien qu’un peu d’étonnement devant l’indifférence de sa vieille parente, c’était tout !

En ce moment, cette explosion de chagrin calmée, Mme Wanel jeta un regard désespéré autour d’elle. L’aspect lamentable de sa chambre n’était pas de nature à dissiper son découragement. Ses principaux meubles s’en étaient allés l’un après l’autre à la salle de vente, et leur prix dérisoire n’avait pu combler le gouffre qui se creusait chaque jour plus profond… Il en avait été de même d’une bonne partie du mobilier de la maison ; le salon seul était resté le mieux garni, Paulette voulant à tout prix cacher au monde et aux quelques relations qui lui avaient été fidèles sa gêne de jour en jour grandissante.

Elle prit le petit coffret qui lui servait à ranger