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Page:Neulliès - Tante Gertrude, 1919.djvu/85

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TANTE GERTRUDE

ses bijoux ; il était presque vide, il n’y restait plus que deux ou trois objets sans grande valeur : tout avait été vendu. Peut-être pourrait-elle encore tirer un certain prix, chez un marchand d’antiquités, d’une broche ancienne, d’un travail artistique fort curieux ?… Mais ce bijou lui venait de sa grand’mère, Mme de Neufmoulins, c’était une véritable relique de famille, il enchâssait le portrait de la vieille châtelaine, qui avait été une des beautés citées à la cour de Louis-Philippe et à qui Paulette ressemblait d’une façon frappante… Le cœur de la jeune femme se serra à la perspective de ce nouveau sacrifice et elle fondit en larmes.

Un léger coup frappé à la porte de sa chambre la tira brusquement de son chagrin.

— Entrez, dit-elle, après une légère hésitation.

Ce ne pouvait être que sa bonne ; que lui importait si cette fille voyait qu’elle avait pleuré ! Et elle ne se dérangea même pas.

— Je suis peut-être indiscrète, chère Mme Paule, mais j’ai trouvé toutes les portes ouvertes ; personne dans la maison ! Comme votre chapeau et vos gants étaient dans le vestibule, j’en ai conclu que vous n’étiez pas sortie…

En entendant cette voix harmonieuse, Mme Wanel avait tressailli et s’était retournée vivement. À la vue de son beau visage défait, de son regard humide de pleurs, la visiteuse, qui n’était autre que Thérèse, s’arrêta soudain, saisie, inquiète.

— Oh ! qu’y a-t-il ? interrogea-t-elle anxieusement en s’avançant auprès de son amie. Vous êtes souffrante ? Qu’avez-vous ? Dites-le-moi, je vous en prie.

Ce ton affectueux de tendre sollicitude toucha profondément Paule. Elle était dans une de ces heures noires, désespérées, où une parole sympathique est si douce au cœur meurtri ; et, appuyée sur l’épaule de son amie, elle lui avoua toute sa peine. Elle lui dit sa misérable vie, abreuvée d’affronts, son impuissance à sortir de cette situation critique, la dernière insulte infligée par la servante, et qui avait fait déborder la coupe d’amertume.

Thérèse comprit ce qu’avait souffert la jeune