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Page:Nichault - Anatole.djvu/107

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— Que la colère vous sied bien ! et que de gens aimables m’envieraient le bonheur de vous animer ainsi !

— Ah ! par grâce, épargnez-moi votre ironie, je ne saurais la supporter aujourd’hui ; c’est de votre amitié seule que j’ai besoin.

— Vous y pouvez compter, reprit le commandeur d’un ton plus affectueux, et le moment approche où cette amitié déconcertera, j’espère, plus d’un projet.

Ces derniers mots auraient laissé une impression profonde dans l’esprit de madame de Saverny, si une lettre qu’on lui remit en rentrant chez elle n’eût changé le cours de ses idées. Cette lettre contenait les remercîments d’Anatole ; et comme une prière exaucée en autorise nécessairement une autre, il suppliait Valentine, dans les termes les plus humbles, de lui accorder la permission de lui écrire quelquefois. « Puisque le ciel me condamne, ajoutait-il, à ne jamais goûter le bonheur de ceux qui vous entourent, ne me privez pas du plaisir de vous peindre des sentiments dignes de vous. Ils sont sans danger pour votre repos ; et votre cœur fût-il libre, vous n’y sauriez répondre. Je vous le répète, madame, un obstacle invincible me sépare à jamais de vous ; mais la fatalité qui s’oppose à mes vœux ne me rend point indigne de votre confiance ni de votre intérêt, et vous pouvez recevoir en toute assurance l’hommage d’un culte qui n’est dû qu’à la divinité. »