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Page:Nichault - Anatole.djvu/153

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— Sans doute mais il faut de l’amour.

— À votre âge, on en a toujours.

— Je ne m’en sens pourtant pas pour M. d’Émerange.

— C’est que vous en éprouvez pour un autre… Voilà le grand secret que l’émotion qui vous colore en ce moment m’apprendrait assez, si je ne l’avais deviné depuis longtemps. Mais l’objet de cet amour, que le bonheur ne doit point couronner, tout en vous aimant avec idolâtrie, serait désespéré de voir sacrifier un sort brillant aux intérêts de sa folle passion ; ne regardez pas ce noble sentiment comme une supposition de ma part, je viens d’en acquérir la preuve. Avant de me rendre auprès de vous, j’ai voulu consulter mon ami sur la démarche que votre frère exigeait de moi, et je dois rendre justice à celui qui vous inspire un si vif intérêt ; il s’en est montré digne, en me conjurant de sacrifier sa vie au bonheur de la vôtre.

— Indigne générosité ! s’écria Valentine, hors d’elle-même ; et c’est lui qui m’engage à épouser un homme qu’il méprise !

— Ne vous abusez point, c’est de la haine qu’il a pour lui et non pas du mépris. Son injustice envers le chevalier prouve assez les moyens qu’il lui croit de vous plaire ; mais qu’importe l’opinion d’un rival ? C’est de la probité qu’il faut, même en amour. Il n’est permis de disposer de la destinée d’une femme, qu’autant qu’on espère la rendre heureuse ;