Aller au contenu

Page:Nichault - Anatole.djvu/222

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

semblait dire à chacun : C’est d’elle que je vais vous parler. Lorsque le plus profond silence l’eut assuré de l’attention générale, il commença cette romance de M. de Moncrif, qui n’était alors connue que de ses intimes amis, et dont voici le premier couplet :

    Elle m’aima cette belle Aspasie,
    En moi trouva le plus tendre retour ;
    Elle m’aima : ce fut sa fantaisie ;
    Mais celle-là ne lui dura qu’un jour.

La malignité fit bientôt l’application de ces paroles à madame de Saverny. Les chuchotements des femmes et cet empressement à mettre leur éventail devant leur visage pour cacher un rire moqueur que décelait leur attitude, apprirent sans peine à la marquise le succès qu’obtenait la fatuité du comte. Elle résolut de la déjouer, en dissimulant l’embarras qu’elle en ressentait, et fit bonne contenance. La joie que montra madame de Nangis, dans cette circonstance, et son affectation à conjurer M. d’Émerange de recommencer cette romance dont les paroles étaient si piquantes, déplurent à beaucoup de personnes, et particulièrement à la princesse, qui fit changer sur-le-champ la conversation, en demandant à Valentine si elle avait été à l’exposition du Louvre. Dès lors la discussion s’engagea sur le mérite des peintres modernes et de leurs ouvrages, et il ne fut plus question de musique.