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Page:Nichault - Anatole.djvu/232

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début glaça l’âme de Mélanie ; elle pressentit nos malheurs, et ce fut avec tous les signes d’un profond désespoir qu’elle apprit de son père qu’il venait de promettre sa main au duc de Linarès. Mélanie, insensible à l’honneur de devenir la femme d’un grand d’Espagne, osa le refuser. Son père, furieux, l’accusa de caprice ; elle crut se justifier en avouant notre amour. En effet, cette nouvelle fut assez bien accueillie de son père ; il approuva son choix tout en déplorant la nécessité de le sacrifier aux grands intérêts de sa famille, et finit par lui dire qu’il connaissait assez la noblesse de mes sentiments pour attendre de moi la soumission qui servirait d’exemple à Mélanie. À peine eut-il terminé cet entretien, qu’il se rendit chez moi, et commença sans préambule le récit de ce qui venait de se passer entre sa fille et lui.

» — J’ai répondu de votre honneur, ajouta-t-il, et ne crois pas m’être trop engagé en assurant ma fille que vous étiez incapable d’abuser de votre empire sur son cœur pour l’encourager dans une désobéissance qui détruirait mon bonheur sans accomplir le vôtre. Vous savez comme moi le résultat de ces mariages d’inclination qui font d’abord le désespoir des parents et bientôt après celui des époux. D’ailleurs, avec Mélanie, vous n’auriez même pas la ressource de tenter cette folie ; elle est trop attachée à ses devoirs pour que la passion la plus vive l’égare au point de se déshonorer. Mais vous pouvez la rendre malheureuse toute sa vie : dites-lui que le sublime de l’amour