Aller au contenu

Page:Nichault - Anatole.djvu/233

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

est de résister aux obstacles ; qu’elle doit refuser le plus beau sort pour vivre d’un sentiment dont la constance finira par m’attendrir. Elle croira toutes ces belles phrases, persistera dans son refus ; je l’enfermerai au couvent ; elle y prendra le voile ; et je partirai pour Saint-Domingue, où j’irai vivre du produit de la seule habitation qui me reste.

» J’essayai vainement d’opposer à toutes ces raisons les intérêts de notre amour et le bonheur que je trouverais à donner ma fortune à Mélanie, sans rien attendre de celle de son père. Il répondait à tout :

» — Je suis ruiné. Le duc de Linarès, épris de Mélanie, consent à l’épouser sans dot ; il a déjà obtenu de son souverain la promesse d’un gouvernement qu’il me destine ; vous voyez que ce mariage, en plaçant ma fille au rang le plus distingué, illustre ma maison et répare ma fortune. Jugez maintenant si un galant homme peut se permettre de priver toute une famille d’aussi grands avantages, sans s’exposer aux reproches de sa conscience, et même à ceux de la femme qu’il rendrait victime de son amour.

» Ce dernier argument l’emporta sur tous les autres. L’honneur parut m’ordonner ce grand sacrifice. Je le promis au marquis ; et je tins parole.

» Je ne vous dirai pas ce qu’il m’en coûta pour déterminer Mélanie à se soumettre aux ordres de son père. Dès que j’eus obtenu de son amour la promesse de m’oublier, je m’enfuis en Angleterre pour n’être pas témoin de ce fatal mariage. Quelques mois