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Page:Nichault - Anatole.djvu/234

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après, je passai à Malte, où je prononçai des vœux dictés par le désespoir. Lorsque je revins en France, au bout de deux ans, Mélanie était en Espagne : j’appris qu’elle était mère, et qu’elle devait peut-être la vie à son enfant ; car, lors de son départ de Paris, elle était atteinte d’une maladie de langueur qu’elle ne voulait combattre d’aucune manière. Le désir de conserver son enfant fut le seul motif qui l’engagea à prendre quelque soin de sa santé ; et je crois que c’est à cette maladie qu’on doit attribuer l’infirmité d’Anatole. On fut quelque temps sans s’en apercevoir, et plus encore à espérer pour lui un heureux changement. Il paraissait impossible que la nature, en comblant cet enfant de ses dons les plus précieux, eût voulu en détruire l’effet par la privation la plus cruelle. Le duc de Linarès, après avoir mis à bout la science de tous les médecins d’Espagne, se décida à venir consulter ceux de Paris. C’est alors que je revis Mélanie ; elle me présenta à son mari en lui disant :

» — Voici un ancien ami de ma famille, je l’aime comme un frère. »

» Et tout me prouva, à mon grand regret, la sincérité de cet aveu. L’amour maternel remplissait uniquement le cœur de Mélanie, et j’aurai pu penser qu’elle avait perdu jusqu’au souvenir de ma passion pour elle, si le nom d’Anatole qu’elle avait donné à son fils, ne m’avait prouvé que ce nom, qui est le mien, lui était encore cher. Un sentiment très-blâmable et très-commun chez la plupart des hommes, me fit