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Page:Nichault - Anatole.djvu/26

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je ne crois pas à la beauté des visages que l’on prend tant de soin de cacher.

C’est ainsi que chacun donna son avis sur madame de Saverny, lorsqu’elle parut. Elle était pâle et fatiguée de son voyage ; on la trouva sans fraicheur. Sa robe n’était pas nouvelle, et il fut décidé qu’elle avait l’air provincial ; du reste, on était sûr qu’elle manquait d’esprit et d’usage, car elle avait l’air étonné de tout, et ne parlait de rien. Dix minutes suffirent pour asseoir ce jugement, et le rendre irrévocable.

M. d’Émerange lui-même, malgré toutes ses connaissances positives sur la beauté, ne fut pas exempt d’injustice envers celle de madame de Saverny. Les plus savants dans ce genre sont souvent dupes de la mode, et il en est peu d’assez courageux pour défendre les agréments d’une femme mal mise. Le chevalier reprocha à madame de Nangis de l’avoir trompé sur le compte de sa belle-sœur.

— Pour cette fois, lui dit-il, vous ne vous plaindrez pas de mon admiration, madame de Saverny ne me donnera jamais le tort de la partager entre vous deux.

— N’en faites pas serment, reprit en souriant la comtesse.

En ce moment M. de Nangis vint prendre le chevalier pour le présenter à sa sœur, comme un de ses amis les plus aimables. Valentine répondit avec grâce aux choses froidement polies que lui adressa le chevalier ; il fut d’abord séduit par le son de sa voix, et,