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Page:Nichault - Anatole.djvu/80

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— Et le ciel, qui veut tout ce que vous voulez, a donné cette belle figure à Lavater.

— Ah ! je suis bien aise de l’avoir deviné, reprit Valentine ; et, si j’osais, je m’en vanterais à lui pour lui prouver la vérité de son système.

Dans ce moment, le commandeur vint prendre la main de ces dames pour les conduire à table. Selon le désir de madame de Nangis, Lavater fut placé près d’elle ; mais sa curiosité n’y gagna rien. En vain son esprit trouva-t-il le moyen d’amener la conversation sur tous les sujets qu’elle croyait devoir l’intéresser ; en vain lui témoigna-t-elle par ses prévenances le désir qu’elle avait de l’entendre causer ; il garda le plus profond silence. La comtesse crut que c’était par dédain philosophique, et changea au même instant son enthousiasme pour Lavater, en indignation contre lui.

— Savez-vous bien, dit-elle au commandeur, que votre savant ami n’est qu’un ennuyeux ? Nous croit-il indignes de ses paroles, ou trop sots pour le comprendre ?

— Il serait possible, répondit M. de Saint-Albert, qu’avec tout votre esprit, vous ne le comprissiez pas.

— Voilà bien cet orgueil masculin, reprit la comtesse, qui, tout en accordant beaucoup d’esprit aux femmes, les croit incapables d’apprécier le mérite d’un homme supérieur. On s’imaginerait, à vous entendre, que Dieu, vous ayant faits à son image, nous