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Page:Nichault - Le Mari confident.pdf/300

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— Assez d’illusion ! pensa-t-il, assez de ruses pour me tromper. Cette femme a lu dans mon âme ; son amour a deviné celui que j’espérais étouffer en le niant à moi-même, en lui donnant toutes les allures de la haine, du dédain. Je suis à bout des mauvaises raisons qui pouvaient la rassurer, et ma folie est telle, que je ne puis manquer de tomber dans le premier piége que sa jalousie me tendra. La seule idée de voir Clotilde victime de cette jalousie féroce, me glace de terreur ; je sens un orage prêt à fondre sur nous. Oui ! la fuite peut seule nous sauver d’un éclat irréparable ; partons !… inventons un malheur de famille, un de ces devoirs despotiques auxquels l’autorité cède sans examen… Ah ! pourquoi n’ai-je pas reconnu plus tôt la nécessité de mettre tout un monde entre Clotilde et moi !… Mais qui l’aurait présagé, que ce ressentiment si vif d’un tort si léger, cette rancune absurde, ce malaise, fruit de sa générosité, ce trouble, cette tristesse causée par sa présence, ce besoin de la lui révéler par des mots amers, de lui déplaire plutôt que de lui être indifférent ; c’était de l’amour !… Ah ! maudit soit l’instant où ce fatal amour s’est ainsi masqué pour se glisser dans mon cœur. Maudit soit le démon qui m’a rendu à elle ! Encore, si ma lâche adoration était l’œuvre