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Page:Nichault - Le Moqueur amoureux.djvu/194

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— Tu le croyais aussi ! dit Albéric d’un ton où se peignaient la colère et la joie ; je n’étais donc pas si présomptueux quand je m’imaginais la voir partager mon trouble. Ah ! voilà son véritable crime : faire servir sa candeur, tous les charmes de son âme à exciter un amour délirant, et sacrifier sans pitié cet amour aux calculs de l’orgueil. Voilà ce que je n’aurais jamais soupçonné. Je la croyais trop distinguée pour tomber dans un tort si vulgaire. Mais puisqu’elle rentre dans l’ordre commun, traitons-là en conséquence. Je veux imiter ta raison, ton indulgence ; et puis, se venger d’une femme, ce serait égaler sa faiblesse… Quelle soit heureuse ! pourquoi la regretterais-je ? elle n’est celle que je rêvais… Mais pour ce prince Charmant, ce duc de L…, qui s’en empare avec tant d’autorité, je ne vois pas ce qui m’empêcherait de la lui faire acheter par quelques coups d’épée.

— Te battre contre celui qu’elle te préfère ! y penses-tu ? ce serait faire croire qu’elle t’appartient ; ce serait la perdre de réputation. Non, tu ne te rendras jamais coupable d’une action si infâme, j’en suis garant.

— Eh bien, je le mets, ce beau vainqueur, sous ta sauvegarde, reprit Albéric en s’efforçant de modérer le ressentiment qui le dominait ; car je sens que toi seul peux m’empêcher de leur faire justice à tous deux. Qu’ils rendent grâce à ta raison, à ta générosité.

— Hélas ! je n’ai tant de raison, dit Maurice, que par désespoir. Mais je ne me crois pas le droit d’insulter