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Page:Nichault - Le Moqueur amoureux.djvu/195

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au bonheur que je ne puis obtenir. Au reste, dans la peine que j’éprouve aujourd’hui, il n’entre d’autre regret que celui de voir redescendre sur terre un être que j’avais divinisé ; je savais bien que cet ange ne s’abaisserait jamais jusqu’à moi, je me jugeais indigne de tant de perfections réunies ; mais je ne les croyais réservées qu’à un homme doué de toutes les qualités et les défauts les plus séduisants. Je voulais une meilleure excuse à sa faiblesse, qu’une telle condescendance à la vanité de sa famille ; et je sens qu’en voyant fuir le prestige qui me la faisait adorer, je perds la consolation de ma vie.

— Dis plutôt une illusion fatale qui fascinait tes yeux au point de ne jamais te laisser apercevoir la femme qui méritera un jour d’être aimée par toi, et rends grâce à l’événement qui t’éclaire ; car tu aurais passé ta vie dans la contemplation d’une idole insensible, et ce n’est pas là la destinée d’un homme tel que toi ; j’en connais une plus digne de mon ami, et si le ciel me seconde, j’espère avant peu…

— Cher Albéric, interrompit Maurice, ne t’occupe pas de mon bonheur. Il est devenu impossible… mais ton amitié me console ; garde-la-moi, ajouta-t-il en serrant la main d’Albéric ; laisse-moi tempérer, par ma triste raison, la fougue de ton caractère. C’est surtout dans cette circonstance où ton cœur et ton amour-propre sont également blessés que je voudrais exercer assez d’empire sur toi pour imposer silence à ton