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Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/255

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qu’il l’amène pour toi à Vérone. Nous ne sommes qu’à six lieues de cette ville ; la division de Masséna l’occupe déjà ; celle de ton général y sera bientôt, et Dieu sait les profits que vous tirerez tous deux de mon indiscrétion.

Gustave, très-peu flatté de voir ainsi sa cause mêlée à celle de M. de Verseuil, traita de contes absurdes toutes les suppositions de J…, et le pria seulement de ne pas lui faire le même honneur qu’à Salicetti, parce qu’il pourrait en résulter des choses désagréables entre le général et lui. J… qui ne traitait sérieusement que les intérêts militaires, lui dit :

— Sois tranquille ; je sais ce qu’on se doit entre bons camarades, et ton général me fusillerait plutôt que de me faire convenir que tu es l’amant de sa femme.

Dans tout autre moment, la nouvelle dont J… venait de lui faire part, et la singulière assurance qu’il y avait jointe, auraient jeté de vives inquiétudes dans l’esprit de Gustave : mais il relit le billet d’Athénais ; sept heures viennent de sonner ; les chevaux sont prêts ; la nuit l’attend aux portes de Vérone, et crainte, dangers, remords, rien ne peut distraire son âme de l’espoir qui l’enivre.



LII


Au moment de partir, une ordonnance vint apporter à Gustave une lettre du général Verseuil, contenant l’ordre de le rejoindre le lendemain à Peschiera, où sa division devait se rendre. Cette forteresse n’était qu’à cinq lieues de Vérone, Gustave se félicita d’y pouvoir arriver de bonne heure ; et il ordonna à Germain d’aller l’y attendre.

Nous marchâmes si grand train jusqu’à Villafranca, qu’il fallut nous y arrêter pour changer de chevaux. La guerre les rendait fort rares ; cependant, à force d’argent, je m’en procurai deux ; mais, mon maître les ayant examinés, les jugea incapables de nous porter pendant plus d’une lieue, et, préférant crever ses propres chevaux plutôt que de risquer de rester en route avec ceux-là, il se décida à garder les siens.