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Page:Nichault Les Malheurs d un amant heureux.djvu/256

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Il fallut leur accorder quelques moments pour se rafraîchir ; et rien ne saurait peindre l’impatience de Gustave pendant cette demi-heure de retard. Enfin, nous repartîmes accompagnés d’un guide sans lequel nous nous serions sans doute égarés. Cet homme, dont la monture n’était pas leste, nous obligeait à gravir les montagnes au pas. C’était mettre Gustave au supplice : il nous devançait malgré lui ; puis, arrivant au carrefour où plusieurs chemins aboutissaient, il était obligé de nous attendre là pour savoir lequel il devait prendre ; et je lui disais :

— Que gagnez-vous à vous presser ainsi ?

Alors il souriait en rougissant, et venait se replacer entre nous.

— N’est-ce pas à Vérone, lui dis-je, que se passa la tragique histoire de Roméo et Juliette ?

— Oui ; c’est près des arcades de l’Arena que cet heureux amant venait attendre son amie ; c’est là qu’il lui disait :


    Let me be ta’en, let me be put to death
    I am content, so thou wilt have it so.
    I’ll say, yon grey is not the morning s’ eye
    Tis but the pale reflex of Cynthia ’s brow ;
    Nor that is not the lark, whose notes do beat
    The vaulty heaven so high above our heads :
    I have more care to stay, than will to go ;
    Come, death, and welcome. Juliet wills it so
    How is’t, my soul ? let’s talk, it is not day
[1].

— C’est aussi là qu’ils furent surpris, et que la mort…


  1. Shakespeare, Roméo et Juliette, acte III, scène v :

    « Eh bien, qu’on me surprenne ici, qu’on me mette à mort, je suis
    content si tu le veux ainsi. Je dirai que cette teinte grisâtre n’est pas
    celle du matin, mais le pâle reflet du front de Cynthie, et que ce n’est
    pas l’alouette, dont les accents d’un point si élevé au-dessus de nos
    têtes vont frapper la voûte des cieux. J’ai bien plus de penchant à rester
    que de volonté de partir. Viens, ô mort, sois la bien venue ! Juliette
    le veut ainsi. Qu’en dis-tu, mon amour ? Restons ensemble ; non
    ce n’est pas le jour. »