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Page:Niemcewicz - Notes sur ma captivité à Saint-Pétersbourg.djvu/133

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INTERROGATOIRE.

connais, et je suis prêt à subir les tortures ; mais vous n’obtiendrez jamais rien de moi par ce moyen. » Réprimant alors sa fureur, Samoilow me dit enfin d’une voix étouffée : « Vous ne sortirez jamais d’ici, » et il partit.

Je connaissais très-bien les motifs qui les faisaient insister avec tant de violence pour savoir les noms de mes malheureux compatriotes compromis dans l’insurrection. L’impératrice, stimulée par les instigations de son favori et de ses ministres , faisait confisquer, au moindre soupçon, les terres de ces infortunés ; par conséquent, plus leur nombre augmentait, plus les aubaines de ces messieurs devenaient considérables, et je suis convaincu que c’est aussi principalement par leurs conseils et par leurs intrigues, que Catherine II, le cœur endurci et l’esprit affaibli par l’âge, se décida à démembrer définitivement ce qui restait de la Pologne : démarche aussi injuste et atroce en elle-même, qu’impolitique pour son empire, mais qui arrangeait à merveille ses favoris gorgés de rapines et de vols, en les assurant ainsi, sous la solidarité des deux autres grandes puissances européennes, contre tous les événements de l’avenir. Pour moi, je n’ai pas eu au moins, dans cette circonstance, à me reprocher la ruine d’aucun de mes compatriotes ; mais j’ai su depuis qu’il y a eu un homme qui a agi bien au-